Quatre lectures (Littérature Française) (French Edition) by Jean-Pierre Richard

Quatre lectures (Littérature Française) (French Edition) by Jean-Pierre Richard

Auteur:Jean-Pierre Richard [Richard, Jean-Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2002-08-20T22:00:00+00:00


Dans l’épreuve continuée d’un tel discours, et du paysage, ou contrepaysage, qui s’en offre comme le produit ou le reflet, peuvent se produire cependant deux ruptures majeures, toutes deux liées, à nouveau, à des découvertes de langage et à l’invention d’un geste psychologique inédit : non plus une vaporisation mystifiante, mais la simple, la dure vérité d’une percée. Dans le rideau de l’illusion humaniste, comme dans le plomb de l’immédiateté physique, on aperçoit la chance d’un passage, presque d’une transgression. On fait la connaissance du mot philosophique et du mot politique.

Le mot philosophique ? On l’attrape d’abord, ou il nous happe (« Je pense, donc je suis ») dès que l’on a connu l’ébranlement, puis l’avancée irrésistible, le « bon pas », le pouvoir d’effraction et comme de perforation de la parole cartésienne. Avec, à sa suite, le rythme impitoyable de la dialectique hégélienne. Car ce qu’apporte Descartes – et cela, dès qu’on a posé la main sur le Discours –, c’est une sortie décisive hors de notre exiguïté, c’est l’élargissement victorieux du je pense, le passage d’une étroitesse physique première, et de la singularité existentielle dont elle était aussi l’image, à une largeur, pleinement organisable, de monde et de pensée. Universalité, conquête du concept, plaines de la raison abstraite, cette chose du monde la mieux partagée, la mieux nommable, la plus échangeable, donc : nous voilà bien loin, tout d’un coup, de notre petit cercle originel.

Il faut ajouter que la réussite de cette extrusion, comme celle d’un train dans un tunnel, tient aussi à la force et au prix d’un enracinement premier. Le paysage cartésien n’est pas celui d’une nostalgie nébuleuse, pas non plus celui d’un purisme de l’abstrait. Le penseur, ici, a traversé le sang des guerres ; pour réinventer l’ampleur, il s’est enfermé au plus reclus d’un « poêle », comme le jeune Bergounioux dans le placard nocturne, la « cellule » suspendue de son lycée de Limoges ou de Bordeaux. Il a lutté avec un malin génie ; par sa fenêtre parisienne, il a regardé passer des chapeaux et des manteaux ; il a aimé une jeune fille louche. Ce sont l’étroit, l’aigu de la définition la plus personnelle qui lui ont permis d’accéder au paysage de la généralité.

Mais voici qu’apparaissent des mots d’une autre espèce encore : mus, ceux-là, non plus par le désir d’abstraire ou d’articuler successivement en eux le monde, mais par la volonté de le changer. Ce langage, politique, le héros ne l’entend plus dans la bouche d’une figure paternelle (Descartes appartenait encore à cette catégorie, et même Hegel, le penseur-aigle, ou chouette, le philosophe-oiseau, le maître du survol) : il le trouve sur « les lèvres à peu près imberbes encore » – c’est lui qui parle – de « quelques gars de (son) âge ». Ouverture d’une communauté de frères (une « horde » ?) qui émancipe elle aussi, ou atténue du moins en elle la force des liens de la lignée. Et le paysage de ce nouveau mot, si



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